Le dragon, animal mythologique, éphémère, qui prends ses origines dans la lointaine histoire humaine, fantastique, fantasmée, féerique, fécondée par l’imagination…ou par une autre vérité.

L’impulsion de cette naissance, de cette incarnation du dragon nous parle avant tout de son territoire, et donc de celui des autres, de celui des hommes. Ceci est mon espace, mon cadre, ma grotte, et bien mal inspiré celui qui s’en approche.

De la même façon d’ailleurs, un humain parlera de sa maison, de son travail, de sa voiture , de sa famille ou de son tapis. En signifiant cette appartenance, je me coupe des autres. Et lorsque je me coupe, je me fait mal. Mais je n’exprime pas toujours cette douleur là. Parfois même je la confonds avec une autre…

Est ce la faute de celui qui m’a distrait pendant que j’avais ce couteau à la main, que je me suis coupé ? Est la faute au fabricant de couteau ? A cette société qui permets qu’on en fabrique et qu’on en possède…vais je continuer à m’en servir ?

Lorsque je me sens coupé du monde, je peux lui en vouloir, au monde. Alors je durcis encore plus mes limites. Car mes limites deviennent alors ma nouvelle maison, mon nouveau doudou et plus elles sont fermes, plus elle me rassurent. C’est comme s’enfermer dans une tour. Ça peut devenir rassurant…mais au final, ces limites deviennent souffrance. Non, l’homme n’est pas fait pour se couper du monde. Il a son existence prévue au sein de ce monde, et le fonctionnement de chacun y a sa place.

A n’en pas douter, le Dragon fait son apparition aux détours des pensées enfermées et enfermantes, aux détours des religions et des codes coercitifs et affamants. La soif et la faim d’être dans des limites structurantes et non plus des morales effrayantes l’y pousse à prendre vie.

L’homme est bourrée d’émotions, elles aussi contradictoires et malmenées. La pression devient si forte qu’un jet fécondant sort malgré lui. Ce jet de l’énergie créatrice inconsciente qui vient féconder le cadre, les cadres, toutes les barrières : alors le dragon apparaît.

Un dragon qui évolue sur le fil du rasoir, dans ce no-man’s land de l’entredeux mondes.

Sans discriminations aucune, il brule, tue, dévore, écharpe, écrase, mange, rôti ; plein de violence aveugle, plein de rage rougeoyante, plein d’écailles aussi dures que visqueuses.

Tels étaient les dragons au commencement. Parait-il .

A qui vient il parler ? De quoi vient il dialoguer ?

Trop de dureté et de limites rigidifiantes ne peuvent se permettre de contenir le monde.

Le monde déborde quoiqu’il en soit.

Tant d’expressions nauséabondes illustre les comportements des dragons à ce moment ; il y a tant de choses qui furent retenues auparavant, il y a tant à expier, à exprimer, à révéler, à dire !

Ça fuse ! Ça part dans tous les sens, c’est révolutionnaire et révoltant. Le monde semblait déjà grossier et le voilà encore plus à même d’avoir de raisons de trembler de peur dans son corps, dans sa tête…oserais je dire dans sa pensée ?

Les émotions. Les hommes en sont perclus. Elles débordent et vomissent, s’écoulant malgré elles sans bien être comprises. On leur interdit l’existence, et pourtant, en fraude, elles témoignent.

On les étiquette , les bannis, les range aux oubliettes, leurs font porter les fers et la honte.

Mais dans le ventre de l’homme, elles existent. Et son ventre grossit tant de garder tout cela à l’intérieur, qu’il en accouche un jour sous la forme d’un monstre.

Extrait  « Dragon »