Seule dans ma chambre de fortune, j’écoute de la musique.

Je n’arrive décidément pas à me mettre à l’écriture de ce texte. Cette quête. Je trouve plein de petites occupations préparatoires qui font courir le temps plus vite que ma volonté.

Une quête. Bien sûr, que je connais le thème. Je l’ai tellement usé.

Les mythes personnels, les quêtes de visions, aller regarder l’ombre en face pour se rappeler combien l’homme est lumineux. 

Dans la pièce d’à côté, les enfants font la fête et rigolent. Je monte le son. Cette playlist a des chansons avec des paroles toutes plus minable les unes que les autres. Pourquoi je m’inflige ça ? J’arrive pas à couper. Sérieusement…moi qui exècre la médiocrité…. sérieusement? Je suis un vrai mystère pour moi même …

Bon, heureusement qu’il me reste ce sens de l’humour qui me permets de rire de moi. Parce qu’il y a franchement de quoi. Je me rencontrerai, que je ne pourrais qu’être attendri par mes paradoxes, mes incohérences et mon style entre sagesse et folie.

Des fois, je repense au saumon. Oui, ce gros poisson rose, si bon en tranche fumées au bois de hêtre…ou d’autre bois d’ailleurs…je sais pas vraiment de quel bois il se chauffe, ce saumon ; mais quand il n’est pas tranché, et qu’il est vivant, dans son milieu naturel, j’ai lu qu’il remontait la rivière. Parfois à en crever. et en crever, j’ai l’impression que, ça aussi, je sais bien ce que c’est.

Il va à contre courant –  je sais faire. il parait que c’est mon signe amérindien. J’imagine un saumon avec ma tête. Je veux dire avec des pensées et un mental qui ressembleraient aux miens.

Allez, je m’y mets. L’appel du devoir : J’y vais.

C’est un peu un défi de suivre cette formation d’art thérapie. Mais , franchement, c’est assez rigolo. bon, ça brasse, mais je nage assez bien. Mince, je vais pas pouvoir écrire “comme une sirène”…je vais rester sur mon saumon.Et pis le rose me va si bien.

Un défi est un défi. Les autres, ils vont aussi se dépasser et aller au-delà de leurs petites résistances du moment. Enfin, même si en ce moment, les résistances, sincèrement, elles tiennent plus debout. Et ça tombe, et ça tombe…on croirait qu’il pleut une pluie de changements sur nos vies.

J’échange quelques messages par téléphone. Est-ce qu’elles savent, ces personnes, que leurs messages viennent souvent à propos…? Parfois, ce ne sont juste que quelques mots, ça donne le sourire, ou ça réconforte ; ça me rappelle qu’il y a des gens, là dehors, moi qui vit dans une prison depuis des mois…peut être des années.

Je devrais leur dessiner un canard tiens, pour leur montrer combien de fois j’ai tenté de m’adapter à un monde qui n’est pas le mien. On m’a même demandé de dessiner un cygne, à moi, un cygne…. vous rendez vous compte…? Je devrais en faire toute une histoire…

Un jour, lors d’un travail avec un hypnothérapeute, je me suis vue tomber au sol, au milieu d’une forêt. J’étais vieille et seule, la dernière chose que mes yeux ont vu, c’était ce sol si près de ma bouche, de mon nez, de mes yeux…un angle de vue différent, si près de la terre : je retrouve ça dans les huttes de sudation, quand tu veux respirer et que le seul moyen c’est d’aller le plus loin possible du haut de la hutte…. quand j’étais cette vieille femme, j’étais isolée, et je savais que personne ne viendrait, à part les bêtes sauvages pour faire leur boulot, et me dévorer. C’était pas le plus angoissant. 

Le plus angoissant c’était d’avoir vécu en dehors du village tout ce temps. Parce que c’était mon rôle ; et que même après le massacre et le pillage du village, je suis resté à l’écart.

Je n’ai jamais pensé à partir. Jamais, jusqu’à être tellement vieille que je suis juste tombée comme ça, comme un tas de compost qui n’arrivait plus à marcher, et qui a regardé l’herbe une dernière fois, comme jamais.

Est ce que j’aurais préféré mourir avec eux ? jusqu’à quel point j’ai vécu avec eux ?

La marque de l’exil, ou celle d’être mise à part, à l’écart, d’être autrement, ou pas tout à fait, même pas vraiment, c’est pas étranger, c’est partout en dedans de moi. Ça donne un regard différent sur la vie. c’est peut être ça que je devrais magnifier plutôt que de me punir avec.

Mais je m’égare, et tout le monde va se demander où est passé mon saumon.

Il est dans sa quête jusqu’au cou. Il galère à remonter ce cours de récit ; que d’eau ! que d’eau ! ça glisse, on croirait une anguille en savonnette  !

Il en déploie de l’énergie pour éviter le sujet qui fâche. Je veux dire, ce saumon, s’il remonte c’est bien pour aller faire la fête avec ses amis saumon, non?

Alors : si je comprends bien le concept de s’épuiser plus qu’à son tour, pour quelque chose qui me prends les tripes et l’âme, j’en ai perdu la finalité en chemin.

J’ai pas vraiment envie d’aller pondre en eau douce ; mais l’idée de retourner à la source me plait assez. J’aime bien cette notion de (re)venir à Lui-Elle comme un enfant.

C’est ce que je veux y voir. Que je suis en mesure d’aller déployer tout de mon être pour réaliser quelque chose qui m’est “destiné”, comme un plan divin en quelques sortes, comme “une mission de vie”, comme on dit  – même si le terme me paraît juste moche.

Ce serait quoi, de ce fait, mon défi à affronter ? ce serait quoi “passer à l’acte”?

Devenir éleveuse de rivière ? manger des cailloux ? faire des colliers en écailles ? se faire tatouer une tranche de saumon pour Noël ?

Jésus à bien transformé de l’eau en vin. Les bretons, le beurre normal en beurre salé. Est ce que je dois changer l’eau de mer en eau de rivière ? Est ce que je dois en ré-apprendre le goût tout doux, de cette eau là ?

La douceur, c’est toujours tellement bon à prendre surtout dans un monde de brutes…dont on fait partie intégrante. Tellement de violences ont vécu en moi….

Prendre le parti de la douceur. Prendre le parti, ou même le tout, de quelque chose de tendre et de rose, tout en étant dans cette intensité là, dans cette force qui n’a rien besoin de démontrer.

J’aurais envie de m’allonger près de cette rivière, et de laisser mourir tous les travers de cette histoire. 

Ceux qui me font penser que je suis coupé du monde. Ceux qui me font croire que ça n’en vaut pas la peine, que d’aller là où mon cœur me mène est idiot ou concept.

Ceux qui me font croire que je n’ai même pas de cœur.

C’est pour ça que j’aime autant sauter dans le vide, pour me souvenir où il est, tellement il peut survivre avec un rythme cardiaque ralenti.

Encore un peu, et je me réveillerai presque dans la nuit, juste pour vérifier que je dors.

Parfois, je danse dans ma chambre. Pour me rappeler que je danse dans ce corps aussi, et pour lui dire merci d’être aussi beau qu’un saumon, tout en étant un humain.

Parfois, j’écoute des musiques si belles, ou je lis des poèmes si beaux, qu’ils me rappellent combien je ne suis pas qu’humaine.

Des fois, il me semble toucher du doigt ce trésor qui respire et transpire en moi ; on croirait bien que des gouttes d’or se forment dans les mots qui se donnent aux autres ; ou peut-être autour de mes pupilles quand elles reflètent la beauté qu’elles voient de l’âme de l’autre; et si l’autre voit que je le vois, c’est monts et merveilles ! Amour !

De toutes petites gouttelettes, qu’on les penserait éclaboussures, mouchetées, si fins petits points qui ont l’éclat d’un soleil splendide.

J’ai bien envie de leur dire, aux personnes de ce groupe, qu’elles comptent pour moi ; et qu’elles sont autant d’enseignants .

Que je prends plaisir à les découvrir et à les voir évoluer, changer ; à voir leur regard ne plus avoir ni tout à fait la même teinte, ni la même lumière, et que c’est beau. D’une beauté vivante.

Que ce qui est beau également, c’est que , au sein de ce groupe, j’y fais l’apprentissage de me montrer telle que je suis : la seule chose que je puisse offrir véritablement.

J’accepte d’être dans mes limites, dans mes évolutions, dans mes améliorations en cours, dans des qualités en téléchargement, dans ce qui est fini et dans ce qui commence en moi,  dans la sagesse et dans la folie, et que leur bienveillance me révèle qu’ils sont bien le groupe de cygnes que j’avais eu tant de mal à dessiner la fois dernière, qu’ils me ressemblent autant que je leurs ressemble tout en étant ce que je suis.

Que, sur ce lac tranquille, qu’une aube se lève, ou qu’un soleil s’y couche, avec ou sans brume, le plus beau des cygnes ne pourra jamais donner que ce qu’il est.

Au fond de la scène, venant d’une rivière voisine, un saumon fit un saut.

Personne ne pensa à le manger.

Moi-même, je ne voulais plus le suivre, l’accompagner sur son chemin fait de sauts et des chaos, de graviers et de taux de sel entre deux eaux.

Le saumon fit son chant du cygne.

Qu’il la remonte, sa rivière !

J’ose, aujourd’hui ; j’opte pour la grâce du cygne glissant sur l’eau. La caressant ; se faisant caresser. Ce rapport doux et fluide ; cette douceur qui apporte et qui transporte : à laquelle j’ouvre la porte…de mon cœur.

Cygne déployant ses ailes : majestueuse envergure. Cygne accompagnant les petits, accompagné des grands. Cygne radieux, en sa propre solitude, solide et solidaire.

Cygne je suis, jamais figé, toujours vivant.

Vibrant d’un chant d’amour, d’une ode à la vie et à la mort aussi, d’une ode à l’Éternité de la grâce, à la beauté de la Foi.

Dansant cette danse éternelle entre une fin et un début. Intensité et vérité.

Lumière de jour. Lumière de nuit. Lumière transcendant la lumière.

Cygne gracieux, délicieuse vie, heureuse foi, aimante et douce loi en mon cœur qui jaillit :

conscience et amour – compagnons de la route qui s’ouvre à moi et à laquelle je dis :

Oui !